La collection de Claudius James Rich et Mary Rich, British Museum
La collection que nous avons choisi de présenter, en est une de trois-cent-soixante-cinq objets. Cette collection est intéressante du point de vue de l’assyriologie, car elle contient différents artéfacts de plusieurs époques différentes du Proche-Orient ancien. Elle contient plusieurs reliques à caractère religieux, tel des statuettes de rites, des cylindres, des stèles religieuses intéressantes dont une d’Hammourabi et, celle qui nous intéresse le plus, la stèle de Nabonide et le cylindre de Nabuchodonosor II, son prédécesseur. Cette collection est à mon avis importante dans l’étude de la religion car les objets qu’elle contient ont pratiquement tous un caractère religieux, que ce soit les stèles dédiées à une déité en particulier, ou des statues de divinités. Pour pouvoir étudier la façon dont la religion était vécue chez les mésopotamiens, il faut accorder une importance à l’iconographie religieuse ainsi qu’aux textes. Dans le cas de la stèle de Nabonide, il s’agit d’un hymne à Nanna/Sîn., dieu de la lune.
Ce qui est intéressant avec ce roi, d’avec ses prédécesseurs, est qu’il s’agit du dernier de l’empire néo-babylonien et il fut celui qui essaya de ramener un ancien culte religieux. Dans le royaume de Babylone, le dieu tutélaire le plus puissant et favorisé par les rois était Marduk, mais Nabonide imposa le culte à cet ancien dieu qu’est Nanna/Sîn, ce qui chamboula politiquement et religieusement son entourage ( Grassi, 2014). On dit de sa mère qu’elle aurait été une prêtresse du dieu lunaire, faisant de Nabonide un roi très pieu qui était obsédé par le passé et qui, déjà à son époque, faisait des fouilles archéologiques et des restaurations d’anciens temples. Certains l’appellent le premier «archéologue» (Grassi, 2014), puisqu’il fut vraisemblablement un pionnier de sa lignée à faire des fouilles et à effectuer des restaurations, dont en témoigne le cylindre de Nabonide retrouvé à Sippar, qui mentionne la restauration du temple de Sin à Harran, entre autre (Beaulieu, 1989).
Cette collection est conservée aujourd’hui au British Museum, le musée a acquis cette collection de Mary Rich, veuve de Claudius James Rich, qui fut un intellectuel ayant vécu de 1786 à 1821. Se passionnant pour les cultures du Proche-Orient ancien. Il maîtrisait plusieurs langues (Grec, Perse, Hébreu, Syriaque, latin etc.) et voyageait beaucoup, ce qui l’a emmené à faire des fouilles archéologiques en territoire babylonien dès 1811. Il a donc acquis ainsi plusieurs artéfacts de haute importance pour les assyriologues, au fil de ses recherches, qui se sont étalées sur plusieurs années. Il a écrit plusieurs ouvrages sur ses aventures et ses découvertes dont Memoir on the Ruins of Babylon (1821), Narrative of a Residence in Koordistan and on the site of ancient Nineveh (1836, posthume) et Narrative of a journey to Persepolis (Posthume). Lors de son décès, sa femme a racheté ce qui restait de la collection et elle a revendu le tout au British Museum en 1825. (Source: Site web du British Museum)
Le British Museum a été fondé en 1753, contenant déjà 71 000 objets appartenant au collectionneur Sir Hans Sloane. Le musée a part la suite participé à plusieurs excavations, ce qui permis de faire avancer la compréhension des anciennes cultures en acquérant de rares objets archéologiques. Leur collection assyrienne a permis de faire avancer la compréhension de l’écriture cunéiforme ainsi que leur pierre de rosette avec laquelle les chercheurs ont réussis à déchiffrer les hiéroglyphes égyptiens. Le musée a développé différents départements spécialisés au fil des ans; art gréco-romain, oriental, Moyen-Orient, Assyriologie, etc. C’est un musée qui reste, encore aujourd’hui, spécialisé dans les collections d’objets appartenant à histoire de l’humanité et en étroit lien avec les chercheurs de tous les domaines des humanités. Le British Museum compte aujourd’hui 6 millions de visiteurs par année et plus de 3.5 millions d’objets en collection. La collection qui nous intéresse, comporte donc des artéfacts datant d’Isin-Larsa jusqu’à l’époque Perse Arsacide. Les types d’objets varient beaucoup, passant des nombreuses pièces de monnaies, aux jarres, figurines, sceaux-cylindres, prismes, cylindres et stèles. La majorité des objets semblent avoir été excavés en territoire iraquien/iranien pour la plupart. Nous avons choisi de décrire en détail qu’une seule pièce, contenant une iconographie et des textes de nature religieuse, et sur laquelle nous détenions le plus d’informations. Malheureusement, le musée ne détient pas nécessairement de l’information compléte sur quelques unes des pièces de collection en lien avec l’Assyriologie. Notre choix s’est donc arrêté sur la stèle de Nabonide ; il s’agit d’une stèle en basalte, de forme arrondie, d’une hauteur de 58 centimètres par 46 centimètres en largeur. Elle provient de la dynastie néo-babylonienne ( 554-539 av.N-È.) et a été excavée à Babylone dans les années 1800. Sur sa face principale apparait la figure d’un roi, tenant entre ses mains un long bâton de la main gauche et un petit objet cylindrique de la main droite. Dans le ciel, plus haut que lui, se tiennent le soleil, la lune et vénus, représentant Shamash, Sin et Ishtar, les dieux respectifs (Le croissant de lune de Sin est plus gros, dénotant sa supériorité par rapport aux autres). Le roi porte une coiffe de forme ovale sur la tête et une longue barbe et robe. Il y a des écrits, un peu effacés, sur les côtés et la face de la stèle. Les inscriptions sont en cunéiforme et relatent la prospérité des terres, accordée par les dieux, grâce à la dévotion du roi à leur égard. Selon la description du curateur, Nabonide démontre sur cette stèle sa dévotion majoritairement à Sin, causant offense aux autres dieux. Selon le professeur Beaulieu, cette stèle de Babylone serait une copie de l’originale, avec quelques différences symboliques, qui se trouvait à Harran, capitale du dieu lunaire. La fonction de cette stèle représente une nouvelle théologie de la lune, que plusieurs contestaient à l’époque de Nabonide. Le mythe et la représentation du roi parfait qui vient sauver la cité après une période de déluge est un motif récurrent dans la culture populaire des mésopotamiens ( Beaulieu, 2007 ) La stèle démontre donc dans son texte et son iconographie que le roi, grâce aux bons cultes et à une vénération envers le ‘‘bon’’ dieu, ramène la prospérité en sa cité, soit dans le cas de cette stèle ; Babylone. Il y aurait eu plusieurs de ces copies de stèles dans les grandes villes pour permettre une propagande théologique du dieu Sin, sous le règne de Nabonide.
Dans les débuts du 19e siècle, nous en savions très peu sur l’histoire assyrienne. Claudius James Rich fut le premier à faire à faire excavation à Babylone, puisque précédemment seulement quelques artéfacts avaient été ramenés en territoire anglais et français mais sans réelle fouilles (Harper, 1896).Rich a identifié plusieurs sites dont Ninive, que d’autres chercheurs ont été excaver par la suite, suivant ses écrits. Il fut donc un pionnier de l’archéologie assyrienne et babylonienne, mais malheureusement nous ne savons pas exactement en quelle année et en quel contexte la stèle babylonienne de Nabonide a été retrouvée. Il est mort assez jeune, frappé par la maladie et c’est donc sa femme, Mary Rich, qui grâce à une subvention du gouvernement put racheter sa collection d’objets mésopotamiens, qui a part la suite été acquise par le British Museum. L’acquisition de cette collection en 1825 fut donc une des premières, d’une série à venir, collection archéologique mésopotamienne, ouvrant la voie aux recherches et éventuellement au savoir actuel que nous détenons. Beaucoup de travail reste à faire pour comprendre entièrement ces anciens peuples qui continuent d’enflammer l’imagination moderne.
- Vanessa Toupin-Lavallée
Bibliographie:
Beaulieu, Paul-Alain: “Nabonidus the mad king: A reconsideration of his steles from Harran and Babylon”. From Representations of Political power: Case histories from times of change and dissolving order in the ancient Near-East. Edited by Marlies Heinz et Marian H.Feldamn. Winona Lake, Indiana. (2007) P.137-166
Beaulieu, Paul-Alain:”The reign of Nabonidus, King of Babylon (556-539 B.C)” Yale Near Eastern researches 10. New-Haven. CT (1989)
Grassi, Giulia Francesca :”Nabonidus, King of Babylon”, From the Journal of Middle East: Topics and arguments 2014 Issue # 3. Center for Near and Middle eastern studies, Germany. (2014) P.125-135
Harper, Robert Francis. “A Sketch of the Excavations in Babylonia and Assyria.” The Biblical World 8, no. 1 (1896): 23-29. http://www.jstor.org.proxy.bibliotheques.uqam.ca:2048/stable/3140308.
Site web: http://www.britishmuseum.org/research/search_the_collection_database/term_details.aspx?bioId=93023 (Biographie de Claudius James Rich)