Les « meilleurs » objets égyptiens de l’Oriental Institute à Chicago
« Art is a special case in ancient Egypt, for it was entirely intertwined with religion. Statues, paintings, and reliefs all served a religious purpose » (Teeter, 2011, p. 4)
La collection d’objets égyptiens de l’Oriental Institute à Chicago a beaucoup à dire et peu à envier aux autres collections égyptiennes d’Amérique du Nord, car elle compte près de 30 000 objets variés (The Oriental Institute, 2014) provenant de plusieurs villes et de nombreuses époques. Pour ce travail, nous avons choisi le regroupement d’objets phares de cette collection. La présentation de ces objets comme les « meilleurs » de la collection entière a été fait, nous devons supposer, par Emily Teeter, la curatrice de l’époque. Nous avons choisi ce regroupement car nous avons un vif intérêt pour l’Égypte ancienne, ses nombreux mystères entourant la mort et les représentations des croyances entourant cette dernière. Une autre raison est que la religion est très présente dans cette collection car neuf des douze objets ont un rapport direct avec la mort (stèle funéraire, morceaux de tombes, offrandes et cercueils). Les trois objets qui ne proviennent pas de lieux funéraires ont tout de même un lien avec la religion car ils représentent des pharaons (statue et dessin), ces rois souvent élevés au rang de descendants des dieux ou dieux eux-mêmes, ainsi que l’écoute des dieux (stèle d’oreilles), qui sont alors vus comme accessibles et sensibles aux prières du peuple. Les dirigeants humains et divins ont un rapport étroit avec l’étude de la religion car ils démontrent, par leurs portraits variés, comment les populations égyptiennes figuraient ces personnages de la plus haute importance. Nous observerons alors ces objets qui varient en prestige et qui sont tous liés d’une façon ou d’une autre à la vie religieuse des divers groupes sociaux-économiques de la société égyptienne à travers les âges. Cette collection nous permet donc de découvrir un peu mieux la vie religieuse et journalière des anciens égyptiens.
Les objets vedettes de la collection égyptienne sont au nombre de quatorze. Nous avons rejeté deux d’entre eux pour ce travail car, bien qu’ils soient pertinents à l’étude de la religion, ils sont datés de moins de trois siècles avant l’ère commune et ils ne peuvent donc pas être qualifiés d’anciens. Pour retourner aux douze objets choisis, nous avons observé qu’ils sont très hétéroclites. La taille, l’importance, la signification, l’époque, la ville d’origine ainsi que la fonction de ces artéfacts sont des plus différentes. La datation des objets varie grandement : les statues de boucher et de potier remontent à environ -2445 avant l’ère commune alors qu’une partie du livre des morts est l’objet le plus récent, daté dans le quatrième siècle. Cette différence de vingt-deux siècles nous fait voir l’évolution générale de l’art égyptien, car nous ne pouvons pas véritablement comparer les objets entre eux, vu leur différence de matériaux et de rôle. Pour continuer dans l’aspect concret de la collection, nous avons découvert que de nombreux objets n’ont pas de lieu d’origine clair, comme par exemple la momie de Meresamun qui a été achetée en Égypte, ce qui est plutôt général, ou bien la page du livre des morts qui a été achetée à Paris ou donnée par M. Ryerson (Teeter, 2003, p.129). Pour résumer les sources claires, trois objets n’ont aucune référence du lieu d’origine ni du moyen d’acquisition, deux autres ont été découverts à Louxor par l’Oriental Institute lui-même, quatre ont été achetés en Amérique ou en Égypte, un a été officiellement donné en cadeau et deux ont des origines contradictoires. En ce qui a trait à la signification des objets, trois d’entre eux sont clairement définis dans nos sources. Les statues de boucher et de potier ont été placées dans une tombe pour « assurer que les offrandes symboliques de nourriture soient toujours présentes et fraîches » trad. libre. Quant à elle, la stèle représentant cinq paires d’oreilles symbolisait directement l’écoute des dieux envers les fidèles qui priaient devant elle (Teeter, 2011, p.198). Demandons-nous maintenant pourquoi ces objets sont élevés au rang d’artéfact-phare de la collection.
Il est important de mentionner que le choix de ces objets comme étant les éléments les plus importants à connaître de la collection sur l’Égypte n’est pas du tout précisé dans nos sources. Nous nous basons d’abord sur la collection présentée sur la page web de l’Oriental Institute, qui comporte les douze éléments choisis, mais également sur le livre Ancient Egypt : Treasures from the collection of the Oriental Institute University of Chicago d’Emily Teeter, qui présente soixante-deux objets de la collection égyptienne du même institut, où elle a travaillé pendant de nombreuses années. L’auteure y écrit que le choix des objets pour ce livre est spécial car elle tente une approche différente des autres musées : elle veut que le lecteur découvre la culture égyptienne dans son ensemble, en incluant des objets de tous les jours comme des jeux et des petites offrandes moins grandioses que les momies et les représentations des divers dieux (Teeter, 2003, p. xi). Toutefois, en comparant ces deux sources, seulement huit objets du site internet se retrouvent dans le l’ouvrage. Il est pertinent de se demander ce qui motive le choix d’exclure le fragment de tombe, les briques magiques, la pièce d’essai et le cercueil de lézard. Sont-ils trop communs pour les intégrer au grand livre des trésors ? Pourquoi vouloir indiquer qu’il faut apprécier les objets communs si l’on élimine des artéfacts qui auraient pu éclairer le lecteur aux sarcophages d’animaux ou aux sorts protecteurs de tombes ? L’associée puis curatrice des objets anciens égyptiens de 2002 et 2003, Emily Teeter, a écrit au cours de sa carrière de nombreux articles et ouvrages dans le but de faire découvrir les pratiques, spécialement religieuses, des anciens égyptiens au grand public et donc de ne pas laisser ces objets et bien d’autres dans les tiroirs où seul les gens hautement éduqués peuvent les voir et apprendre leur histoire. Bien sûr, la collection (et donc le choix des objets à connaître) est teintée des intérêts et de l’influence de la curatrice, qui insiste particulièrement sur les artéfacts religieux et funéraires.
L’institution qui héberge la collection égyptienne compte huit autres pavillons présentant des objets d’origines diverses telles que la Syrie, l’Iran, l’Anatolie et la Mésopotamie. Ce musée affilié à l’Université de Chicago se spécialise dans le Proche-Orient et se modernise lentement, ayant rénové le pavillon égyptien de 1996 à 1999 (Teeter, 1999, p.93) puis instauré une visite virtuelle des salles principales du musée, sans toutefois pouvoir se mouvoir dans les dites salles. Lorsqu’on mentionne l’Oriental Institute, il est essentiel de mentionner le nom de James Henry Breasted, l’égyptologue qui a formé l’institut en 1919 et, ainsi, le musée consacré en premier lieu à exposer les objets qu’il avait acheté en Égypte un quart de siècle auparavant avec seulement cinq cents dollars (Teeter, 2003, p.2 et 4). En ce qui concerne la transparence de l’institut de nos jours, ce dernier semble plutôt obscur. Lorsque nous avons tenté d’obtenir de l’information sur les fouilles, la provenance et d’autres informations sur les objets de la collection ici présentée, le peu de sources provenaient de la page web de départ ou de la curatrice qui a fait ressortir les objets des tiroirs : Emily Teeter. Les sources externes sont donc des extraits de ces deux sources ou bien du fondateur, M. Breasted. Les fouilles étant payées par l’institut, elles ne peuvent offrir de plus amples indices sur la véritable provenance ou la signification des objets.
Les difficultés encourues pour la recherche sur cette collection proviennent donc des sources et de l’incertitude qu’elles provoquent. La bibliographie de Teeter dans Ancient Egypt nous fait voir que les sources écrites avant son arrivée et la rénovation du pavillon n’étaient pas complètes et même inexistantes pour certains objets, si l’on exclut les articles écrits par Teeter elle-même. Elle indique qu’elle a fait connaître un bon nombre d’objets, ce qui semble biaisé car elle ne se fonde que sur sa propre expertise. Pour terminer, l’origine et la date de la stèle représentant les oreilles des dieux est un problème à résoudre le plus vite possible car elle ne peut pas dater du trente-cinquième siècle, selon le site internet, et en même temps du neuvième siècle, comme indiqué dans Ancient Egypt. La collection d’objets égyptiens les plus importants est donc très intéressante et nous procure de nouvelles connaissances en matière de recherche scientifique et d’histoire de la religion égyptienne.
- Maryse Trudel
The Oriental Institute. 2014. «Highlights from the Collection: Egypt». Dans The Oriental Institute of The University of Chicago. En ligne https://oi.uchicago.edu/collections/highlights/highlights-collection-egypt. Consulté le 16 octobre 2016.
Teeter, Emily, 1999. «The Egyptian Gallery of the Oriental Institute Museum Reopens». Near Eastern Archaeology, vol. 62, no 2, p. 93-100.
Teeter, Emily. 2003. Ancient Egypt. Treasures from the collection of the Oriental Institute University of Chicago. Chicago : Oriental Institute Museum Publications, 146 p.
Teeter, Emily. 2011. Religion and ritual in ancient Egypt. New York : Cambridge University Press, 226 p.